On en apprend toujours beaucoup plus sur les sentiments vrais des personnes en les écoutant les yeux fermés qu’en examinant leurs visages. … Parce que la voix est unique comme notre corps, elle donne des informations intimes à l'insu du locuteur. Peut-être vaut-il mieux ne pas en être conscients, nous qui croyons être cachés par nos discours comme les enfants par un masque. Les imposteurs n'imaginent pas qu'ils se mettent nus en parlant, sinon ils ne donneraient plus d'interview. Car le placement, le timbre, le grain, les modulations de la voix, son alacrité, sa rondeur, le mélange de féminin et de masculin qui s'y trouve, les hésitations sur certains mots, les toux qui ne se déclenchent pas n'importe où, les silences et les dérapages infimes qu'on ne remarque pas dans le cours des conversations mais qui se traduisent dans les enregistrements par des longueurs de bandes magnétiques, sont aussi précieux pour un auditeur exercé que les cendres de cigares pour Sherlock Holmes. Il est troublant de découvrir si facilement les haines dormantes, les dénégations, les fêlures, la fausseté plus encore que les mensonges, et souvent l'appétit de commandement et d'aubaines qui sommeille en fond de cale de bien des cargos politiques. Aussi malins que soient nos grands hommes, et certains ne sont que cela, ils ne se doutent pas que la voix trahit autant que le rêve, justement parce qu'elle est fidèle à ce que cachent les discours. Il y a des voix qui sont de l'Histoire, d'autres de la Géographie; certaines confondent les deux comme des enfants qui se sont trompés de cahiers. Les plus émouvantes pour moi appartiennent à des régions qu'on dirait intactes, intouchées, où une vieille femme pieds nus ouvre et ferme les portes d'une kermesse. Voix qui suggèrent une beauté derrière les actes. Voix d'Elie Richard, dans le marais poitevin. Voix de François Chattot alternant les ors et les ombres. Voix des innocents, des perdants, voix des fatigués, voix de ceux à qui on n'a jamais rien demandé, voix cassées, voix brûlées, voix enrouées par les cris d'appel à quelqu'un qui était trop loin, voix rabotées par les épreuves, étouffées, voix éternellement en chemin, voix qui se rappellent, qui ne se rappellent plus. Principales émissions de Jean-Pierre Milovanoff pour les Nuits magnétiques de France-Culture.(Ces émissions étant la propriété de l’INA, il ne nous est pas possible de les mettre en ligne) 1978 | Les soupirs de la sainte et les cris de la fée (La transe, l’extase, les stigmates) | 1979 | Corps mannequins (La photographie de mode) | 1980 | En cas d’absence (les fugueuses) Les Naturels (paysans du sud de la France) | 1981 | Insomnies et autres débauches (l’emploi du temps dans l’insomnie) Portrait-Paysage (l’enfance et la jeunesse d’une femme ayant grandi en Languedoc) | 1982 | Le ciel à témoin (Les astronomes amateurs) La belle ! (Les évasions) Marseille, fragments du large | 1983 | Passions nîmoises (Cinq Reportages sur Nîmes avec un portrait de Nimeño II) Mendiants et maharajahs (L’Inde de Kipling) Ballades roumaines (les lautars de Roumanie) | 1984 | Les mal-aimés ( les petits carnassiers) Planche-contact (Portraits d’acteurs) Dans le grand Nord Migraine oblige (l’univers des migraineux) Les poètes du Bengale | 1985 | Les caravanes Le faucon pèlerin La folie des langues Péché de jeunesse (portrait d’un jeune couple) | 1986 | Histoires de bandits | 1987 | Au fil de l’eau (quatre fleuves) Les veilleurs de nuit (les animaux nocturnes) En Camargue | 1988 | Printemps portugais Les ours Pessoa dramaturge | 1989 | Gens du Marais (mention au Prix Italia) L’hiver des Tsiganes Acheter/vendre | 1990 | Les Horloges Les Amateurs Souvenirs forains La part du chant | 1991 | L’hiver au Grau-du-Roi Portrait de femme avec Buisson Ardent : Man Serotte Les doubles cordes : Reinette l’Oranaise et Lili Boniche Les grands-Parents | 1992 | Chanteurs russes Le roman des romanciers Impressions toscanes Eloge du Sud | 1993 | Maisons perdues, maisons sauvées | 1994 | La Vocation |
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