La ballade du lépreux
Editions Unes. 1998.
Extrait:
A l’époque où les rois afghans, du haut de leur trône de sable, régnaient sur les vents tournoyeurs, dans cette vallée dont je tais le nom et la honte à la fois, une femme donna naissance au bel enfant dont je découle : un garçon calme et vigoureux à la peau douce comme l’huile qui portait sur son large front une rose de lèpre blanche.
Mon père, le maître de forge, quand on lui montra mon visage, leva son marteau de fer rouge. Un homme lui retint le bras et lui dit : « L’enfer appartient de plein droit à ceux qui dénigrent les fruits que Dieu nous a donnés. - Qui es-tu, dit le forgeron, pour oser ainsi m’interrompre ? -On m’appelle Mahoud le Vif. Je suis un nomade arrivé ce matin dans votre village. Ce soir j’en serai reparti.
Je suis prêt à te disputer cet enfant qui te déshonore : d’homme à homme je sais combattre avec la lame ou à poings nus et j’ai rarement le dessous. Mais je te propose en échange de sa vie quatre joyaux noirs où brûlent tous les feux de l’Inde. Avec ces diamants tu seras du côté de ceux qui commandent. -Que ne gardes-tu tes trésors ? dit le forgeron irrité. -J’ai mieux à faire, dit Mahoud. L’homme à qui j’ai volé ces pierres m’a jeté un sort en mourant : Je n’aurais jamais d’héritier. »
Le temps que la tresse du thé retombe trois fois dans la tasse, mon corps avait changé de maître. Ma mère- qu’elle soit bénie ! - approuva ce marché infâme. |