La Mélancolie des innocents
Editions Grasset. 2002.
Première page
L’injustice, quand elle frappe les autres, n’est pas trop difficile à supporter. On s’accommode vite des douleurs qu’on ne ressent pas. Considérez la fameuse union de l’âme et du corps. Presque toujours c’est une association de malfaiteurs qui s’entendent pour réaliser un hold-up. Lorsque l’affaire tourne mal, ce qui arrive une fois sur deux, chacun file de son côté. Ainsi voit-on des corps sans âme s’épanouir dans un gymnase et soulever jusqu’à deux fois leur poids. Et des âmes privées de forces qui réclament des remontants. Je vous parle d’expérience, monsieur Milanoff. Pour le reste il y a les journaux. Mais asseyez-vous, je vous prie. Ne m’obligez pas à lever la tête.
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