La Rosita
Editions Julliard. 1994.
Première page
Edmond venait de découvrir dans Le Gaffiot la traduction des mots sur lesquels il butait depuis le matin, quand la pétarade d’un scooter éclata au fond de la cour. A côté de la phrase de Cicéron soulignée au crayon gris, boni nullo emolumento impelluntur in fraudem, il écrivit la trouvaille inespérée : il n’y a pas de profit qui pousse les bons à mal agir. ; et il se posta à la fenêtre. Abel, qui avait laissé la Vespa sous le figuier, plongea deux doigts dans la poche de poitrine de son veston. Il en sortit un cigare de belle taille qu’il alluma négligemment, avec l’autorité des habitués du barreau de chaise. Son visage se déroba dans la fumée, puis réapparut, souriant. Le ciel était d’un bleu d’assiette ancienne derrière lui. Décidément, c’était une belle journée, un superbe jeudi d’avril, quel dommage que j’aie ce latin en retard, pensait Edmond tout en notant que c’était la première fois qu’Abel portait le costume blanc qu’il avait rapporté de grenade, et que ses mocassins blancs et noirs achetés chez un boutiquier de Jerez lui donnaient un air andalou.
|