Cinquante mille nuits d’amour
Publiée dans le recueil « Cinquante mille nuits d’amour », Editions Julliard. 1995.
Quand le tueur revient d’entre les morts, plus déterminé que jamais et flanqué d’un apprenti à qui il montre le métier, la soirée ne s’achèvera pas sans un meurtre. Mais si la victime n’était pas celle que le contrat avait prévue ? Si le criminel devenait le sauveur ? Alors commence sous nos yeux une ronde mêlée de chansons où le Bien et le Mal forment un drôle de ménage. A l’inspecteur Caron que la mélancolie rend intuitif de dénouer les paradoxes d’une farce métaphysique.
Extrait:
LE BON A RIEN. Le bon docteur Bourdon ne savait pas ce qu’il faisait quand il m’a sorti du coma. J’ai essayé de l’étrangler, mais les forces m’ont fait défaut.
L’APPRENTI. Vous n’étiez pas heureux d’être sauvé ?
LE BON A RIEN, furieux. Heureux ! Méfiant. Tu n’es pas allé à l’école
L’APPRENTI. Jusqu’à seize ans !
LE BON A RIEN. Tu dormais près du poêle ?
L’APPRENTI. Non, monsieur. Près du radiateur.
LE BON A RIEN. Alors, apprends qu’il n’y a qu’un seul bonheur : ne pas être né. Mais trop d’amateurs se sont fait un plaisir de nous en priver.
L’APPRENTI. Des amateurs, monsieur ?
LE BON A RIEN. Pas milliers. Le combat était inégal. S’il y a cinq générations dans un siècle et si l’homme traîne sur terre depuis un million d’années par exemple, combien de générations nous séparent de l’animal ?
L’APPRENTI. Cinquante mille.
LE BON A RIEN. Donc, pour former un malheureux contemporain, cent mille jeunes gens se sont donné rendez-vous au fond d’une grotte ou sur un balcon. Cinquante mille nuits d’amour pour aboutir à moi !
L’APPRENTI. Vous présentez les choses d’une façon qui ne donne pas encore de passer du bon temps. Je dois retrouver Lili cette nuit. Qu’elle ne compte pas sur moi !
LE BON A RIEN. Très bien.
L’APPRENTI. Si elle vient me voir et qu’elle retire sa robe, je me bouche les oreilles. |